Le Rana Plaza s’est effondré au Bangladesh le 23 avril 2013. Au lendemain de cette catastrophe, des consommateurs et des associations interpellent les marques. Ils les interrogent sur leur façon de produire et appellent à un devoir de vigilance quant aux pratiques de leurs sous-traitants. La Fashion Revolution, lancée par les stylistes britanniques Carry Somers et Orsola de Castro imposent la question « who made my clothes ? ». Aujourd’hui s’ajoute celle-ci : « what’s in my clothes ? ». Cette association agit pour imposer une mode durable : éthique et responsable. Que recouvrent ces notions et quelle mise en pratique pour un jeune créateur ?
La mode durable : 2 précisions importantes
La mode durable est un vaste concept qui regroupe différentes notions qu’il nous paraît important de préciser.
La notion de durabilité
Nous entendons « écologie » dans le terme souvent utilisé d’« écoresponsabilité ». La dénomination anglophone « sustainability » – traduisez durabilité en français – englobe une notion écologique mais aussi économique et sociale. L’objectif de soutenabilité étant de trouver des réponses aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs.
Le durable n’est pas un effet de mode ou « sustainable isn’t a trend »
Aujourd’hui toute marque de vêtements et d’accessoires qui se lance doit intégrer le principe de durabilité dans sa chaîne de valeurs si elle veut durer. Il est important pour un entrepreneur, qui se lance dans le domaine, de l’intégrer dès le démarrage du projet, à 360° et tout au long du cycle de vie du produit : sourcing, fabrication, vente, après-vente, fin de vie du produit…
L’idée n’étant pas forcément que l’écoresponsabilité soit une valeur de la marque ou un axe de différenciation. Une entreprise pour exister aujourd’hui doit se distinguer sur d’autres critères créant sa singularité. Cependant dans le contexte actuel, la notion de soutenabilité devrait être une caractéristique intégrée dans le business model et la chaîne de valeurs.
Les porteurs d’un projet design ou mode sont, également, poussés par leurs parties prenantes (stakeholders). Du consommateur qui demande plus de traçabilité et de transparence jusqu’aux investisseurs. Quand les aspects RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) ou encore ESG (Environnement, Social, Gouvernance) sont devenus des critères de valorisation d’une entreprise.
Les enjeux environnementaux et sociaux poussent la filière à s’adapter
Au bout de la chaîne, les clients demandent aux entreprises d’agir. Toute la filière mode doit évoluer.
En amont, il y a :
- La formation des nouveaux créateurs. Les grandes écoles adaptent leurs cycles de formations. L’Institut Français de la Mode a, par exemple, lancé la « Kering Sustainability Chair ». Le groupe de luxe finance différents sujets de recherche autour d’une mode durable et organise un Think Thank avec les acteurs du domaine qui intègrent l’écoresponsabilité dans leur démarche.
- Les politiques et l’évolution des lois. La France est à l’initiative du Fashion Pact, une coalition mondiale d’entreprises de la mode et du textile, des fournisseurs et distributeurs, menée par François Pinot. Elle est engagée autour de 3 grands objectifs environnementaux : l’enrayement du réchauffement climatique, la restauration de la biodiversité et la protection des océans.
Aujourd’hui les acteurs institutionnels évoluent parce que des mouvements comme le collectif Ethique sur l’étiquette ou la Fashion Revolution se structurent un peu partout dans le monde. Ils attendent plus d’actions au niveau des acteurs politiques et espèrent un effet papillon.
Une industrie textile responsable : les défis qui restent à relever
Marie-Laurence Sapin, membre de la CAE d’Astrolabe Conseil, consultante experte en savoir-faire textile et mode durable est directrice du pôle éducation de Fashion Revolution France.
Elle explique que l’ONG milite pour une mode plus respectueuse de la terre et des hommes.
L’industrie textile a des impacts à tous les niveaux : au niveau production (eau, pesticide), au niveau des traitements (colorations avec des produits contenant des métaux lourds), l’entretien des vêtements. Une étude publiée en 2019 dans Scientific Reports rapporte qu’une très grande partie des particules de microplastique présentes dans les mers provient de textiles synthétiques.
Marie-Laurence forme les nouvelles générations dans les écoles de mode et de commerce. Elle accompagne les entreprises dans leur stratégie et leur intégration des aspects durables dans leur business model.
La France a interdit la destruction des invendus de produits non-alimentaires. La filière s’organise pour la collecte et le recyclage. Cependant, ce dernier ne peut pas absorber tous les invendus.
Les marques et enseignes doivent s’adapter à ce défi. Que faire de ces gisements dormants ? Comment retravailler les invendus ?
Le durable : des opportunités pour les entrepreneurs
De ces défis environnementaux et sociaux naissent des opportunités pour des porteurs de projet. Voici quelques exemples.
- Si on pense économie circulaire, on relève forcément la tendance « upcycling ». Elle permet de recréer de la valeur à partir des gisements existants de vêtements et d’accessoires.
- La création de plateformes de sourcing de matières premières type Adapta.
- Le développement d’ateliers couture de proximité et notamment sous forme d’ESAT.
- Des plateformes comme Upgrade mettent en relation fabricants avec du stock disponible et créateurs/upcycleurs.
- Des cabinets de conseil peuvent accompagner les marques sur la gestion de leurs invendus.
- Des médias se spécialisent sur le créneau de la mode écoresponsable type The Goodsgoods.
Pour commémorer le drame du Rana Plaza, chaque année au mois d’avril a lieu une semaine de sensibilisation autour du hashtag #whomademyclothes qui invite les consommateurs à questionner les marques. Retrouvez des conférences et des évènements sur le sujet en suivant la Fashion Revolution France.